du 31 octobre au 5 novembre 2016

Avant l'arrivée d'Hélène, j'ai préparé le kit comme je le fais pour chaque construction accompagnée : on voit que je viens de passer une couche d'imprégnation sur les bordés et la sole du Wherry Tandem après avoir collé les deux joints-puzzle de chacun des panneaux. En effet, afin d'obtenir plus de 6 mètres, il faut joindre trois éléments, car nous utilisons des feuilles de contreplaqué de 2.50 m de long.

J'ai aussi collé les 4 membrures qui sont constituées de 4 éléments : deux demi-membrures et un doubleur sur chaque face. Ici je colle le premier doubleur sur les deux demi-membrures. On aperçoit au bout de la table les seconds doubleurs, que je collerai le lendemain : en effet, j'évite de coller trois épaisseurs d'un coup, car on est certain que la couche du milieu bougera (comme quand on croque dans un mille-feuilles !). Au premier plan à gauche, ce sont les 4 blocs qui serviront à fixer le ou les bancs de nage amovibles.

Les quatre membrures sont presque terminées : plus qu'à araser les bouchons qui cachent les vis de renfort du collage de la cale de support de banc de nage et à passer une couche d'imprégnation. Ensuite un petit ponçage et c'est prêt à l'emploi ! Les trous que j'ai percés en haut des "cornes" pourront servir à amarrer un pare-battage ou assurer une écope ou tout autre élément mobile et donc perdable.

Je colle le raidisseur du haut des cloisons des compartiments étanches avant et arrière. Les trappes ne sont que posées, je n'ai pas encore découpé l'ouverture pour les fixer : j'attends pour demander à Hélène ce qu'elle souhaite comme trappe ou nable dans ces cloisons.

J'ai aussi préparé la guirlande et les courbes arrière du Wherry Tandem : j'ai percé un trou de 16 mm de diamètre à travers chacune d'entre elles (très pratique pour passer une amarre, par exemple), et arrondi les arêtes sur leur bord exposé sur l'intérieur.

Cette vue des quatre membrures retournées montre les tenons qui entreront dans des "mortaises" percées dans la sole lors de la découpe du kit : cela renforce un peu leur futur collage, mais surtout cela évite d'avoir à déterminer leur position.

J1 : Lundi matin, après avoir discuté du planning des 5 journées à venir, nous attaquons directement la couture des deux bordés 1 le long de la sole.

Nous cousons ensuite les cloisons des compartiments étanches et arrière, puis nous enchainerons avec les bordés 2, que nous avons déjà positionnés sur les tréteaux. Notez "l'encoche" découpée au bas de l'extrémité avant de tous les bordés : elle permet une transition facile entre la superposition des clins, sur la longueur, et le franc-bord le long de l'étrave.

On voit ici qu'avant de démarrer la couture, nous avons aussi découpé les ouvertures pour les trappes de visite des compartiments étanches. Il va sans dire (mais je le dis tout de même) qu'il est infiniment plus facile de faire ces découpes avant de monter les trappes. Enfin, peut-être pas infiniment, mais à peu près 1000 fois.

Après avoir cousu en place les bordés 2, nous installons les quatre membrures, et enchainons avec les bordés 3.

Nous interrompons la couture pour refaire des sutures : nous coupons des segments de fil de cuivre d'une dizaine de centimètres de longueur. Tous les éléments du kit sont pré percés pour passer les sutures, à raison d'un trou tous les 15 cm le long des joints entre les bordés. Avec ceux des membrures, des cloisons, du tableau et de l'étrave, cela fait près de 450 sutures à passer et nouer...

Nous reprenons la couture avec les bordés 4 : ça commence à prendre forme !

Nous installons le tableau arrière après que tous les bordés soient en place. A ce stade, aucune suture n'est serrée à fond, car la position relative des panneaux les uns par rapport aux autres change petit à petit, car la coque prend sa forme au fur et à mesure de la couture de toutes les pièces.

Et voilà le travail, nous avons mis moins de 4 heures à deux pour coudre ensemble toutes les pièces du Wherry Tandem. Notez que les panneaux de dessus des caisons étanches sont seulement posés en place pour la photo, ils seront collés ultérieurement.

Nous retournons le Wherry Tandem afin de serrer les sutures : le fait de retourner la coque alors que tous les panneaux sont en place ferme les espaces entre les panneaux et permet de reprendre le "mou" des sutures.

C'est le moment où l'on casse quelques sutures car le fil de cuivre résiste mal aux manipulations excessives, ce qui se produit en particulier si on ne s'est pas mis d'accord pour serrer toutes les sutures dans le même sens... Chaque suture cassée doit bien sûr être repassée en se glissant sous le bateau puis serrée !

Les deux bordés 1 se rejoignent à la verticale au bas du tableau arrière afin de former un petit aileron qui alonge la flottaison et aide le Wherry Tandem à rester en ligne. J'avoue très volontiers que j'ai copié pour le Silmaril ce détail exquis du dessin du Wherry Tandem, de même que la sole étroite qui simplifie la construction et permet au bateau de se poser à plat.

Quatre cent quarante sept, quatre cent quarante huit, quare cent quarante neuf...

Malgré le beau temps, nous rentrons le Wherry Tandem afin de passer au collage : tout à l'heure, le soleil va baisser puis se coucher et la température sera trop basse pour l'époxy. Nous commençons par faire un joint-congé dans l'étrave, autour du tableau et autour de chacune des deux cloisons étanches, côté intérieur de leur compartiment respectif.

Nous retournons ensuite le bateau et déposons un cordon d'époxy légèrement chargée (consistance vinaigrette) le long de chaque joint entre les panneaux de coque, puis nous lissons ces joints et les nettoyons sommairement.

Le mélange d'époxy et de charge doit être suffisamment fluide pour descendre au fond des joints, mais pas trop pour ne pas s'écouler à travers ceux-ci...

J2 : Le mardi matin, nous commençons par couper et extraire toutes les sutures, qui sont devenues inutiles car tout est collé. Puis nous remettons le Wherry Tandem à l'endroit et vérifions que la coque n'est pas voilée en promenant le niveau à bulle que l'on aperçoit au bas de l'image d'avant en arrière sur un tasseau posé sur le haut des bordés 5 perpendiculairement à l'axe de la coque. Nous refaisons aussi un essayage des dessus de caisson.

Puis nous faisons les joints intérieurs et bouchons les trous des sutures. Nous commençons par déposer un cordon d'époxy chargée (de consistance un peu plus épaisse qu'hier, plutôt ketchup) tout le long du joint, puis nous le "formons" en tirant le dos d'une cuiller le long du joint, et enfin nous ramassons l'excédent de colle de part et d'autre du joint. Nous terminons en bouchant individuellement chaque trou de suture.

Avant de faire les joints intérieurs, nous avons démonté les quatre membrures afin d'avoir un accès plus facile à la surface intérieure. Le premier collage sur l'extérieur suffit pour que le Wherry Tandem conserve maintenant précisément sa forme avec la seule aide des cloisons avant et arrière.

Comme sur tous les autres kits de ma gamme, l'étrave est formée par la réunion des extrémités avant des panneaux de coque, il n'y a aucune pièce de charpente ajoutée, ni étrave ni fausse-étrave. Un gros joint-congé, qui sera ultérieurement "armé" de fibre de verre sur l'intérieur et l'estérieur, suffit à rendre cette étrave très costaud (costaude?)

J3 : Mercredi matin, nous commençons la journée par le ponçage de la surface intérieure, qui doit être propre et lisse en vue de la stratification. Hier, mardi 1er novembre était un jour férié et nous n'avons travaillé que 4 heures.

Le soleil sort et vient nous aider à nous réchauffer !

Galvanisés par ce soleil inespéré, nous retournons le Wherry Tandem afin de "nettoyer" le premier collage sur l'extérieur de la coque. En effet, nous devrons repasser sur tous les joints extérieurs car certains sont un peu concaves car nous n'avions pas mis assez de colle lors du collage initial.

Nous coupons les extrémités arrière des bordés au ras du tableau.

Et voilà pour le nettoyage de l'extérieur de la coque.

Je fais cette photo rien que pour le plaisir ! Avec la Yole de Chester, le Wherry Tandem est à mon avis le plus élégant bateau de ma gamme !

Nous remettons le bateau à l'endroit pour un dépoussiérage soigneux, car la phase suivante est la stratification de la surface intérieure, et toute saleté laissée sera bientôt emprisonnée sous une couche de fibre de verre transparente.

Après le dépoussiérage à l'aspirateur, nous enchainerons par un coup de chiffon humide afin d'attraper le maximum de poussière. De plus, le "mouillé" rend beaucoup plus visibles les défauts éventuels, ce qui nous permettrait de rectififier le tir avant qu'il soit trop tard.

Nous rentrons le Wherry Tandem dans la partie chauffable de l'atelier et drapons le tissu de verre dans les trois compartiments. Le lé de 1 m de large nous permet de stratifier d'un seul tenant les bordés 1, 2 et 3 en plus de la sole. Nous couperons l'excédent de tissu sur le joint entre les bordés 3 et 4.

A l'intérieur des compartiments étanches, nous avons croisé deux pièces trapézoïdales avec un fort recouvrement dans l'étrave et dans l'aileron, ce qui renforcera ces zones qui sont les plus exposés. La pièce du compartiment central fait 3.90 m de long !

Nous saturons le tissu de verre de résine époxy au rouleau, technique simple à mettre en oeuvre. Le manuel de construction prescrit de ne stratifier que les bordés 1 et 2 en plus de la sole, mais nous avons choisi de remonter sur les bordés 3 car le tissu de verre est assez large et cela améliore considérablement la rigidité du Wherry Tandem, en échange d'un surcroit de poids très modéré (de l'ordre de 300 grammes).

Le tissu saturé d'époxy est devenu transparent et nous allons maintenant couper l'excédent de tissu, que nous n'avons pas saturé.

Une petite photo avant de passer une seconde couche d'époxy "mouillé sur mouillé", c'est à dire sans attendre que l'époxy de saturation ait trop entamé sa réticulation (on parle souvent à tort de polymérisation pour désigner la réaction de l'époxy). La seconde couche doit pouvoir fusionner avec la première en ajoutant de l'épaisseur sur le tissu, ce qui réduira le relief de la chaine et de la trame, et donc évitera de couper trop de fibres lorsque l'on poncera (eh oui, car on poncera encore...)

Nous enchainons avec le collage des dessus de caisson avant et arrière, après avoir passé une seconde couche d'époxy sur la face inférieure de ces panneaux et complété la seconde couche sur la surface du bordage qui sera à l'intérieur des caissons, comme on le voit sur l'image précédente, de même que le fait que nous avons "tartiné" d'époxy "crème de marrons" le dessus des raidisseurs des cloisons.

Nous fixons une béquille sur bâbord arrière, car nous avons relevé une très légère torsion grâce au niveau à bulle. En effet, le collage du panneau de dessus du caisson arrière va maintenant vérouiller la forme de la coque à la poupe.

J4 : Encore une fois, nous sommes gratifiés par un beau soleil matinal qui va égayer le ponçage du matin ! Corollaire du soleil matinal : la fraîcheur, du fait de l'absence de couverture nuageuse nocturne, et il gèle pour la première fois de la saison...

Le but de ce ponçage est de dépolir toute la surface intérieure du compartiment central. En effet, on ne peut rien coller sur une surface d'époxy non poncée, on ne peut pas non plus la peindre ni la vernir.

La fraîcheur matinale est confirmée par le chapeau d'Hélène (et les trois capitaines).

Et encore deux images pour le plaisir : de la proue...

Et de la poupe...

Nous rentrons le Wherry Tandem et le retournons pour refaire les joints extérieurs et boucher les trous des sutures (oui je sais, nous les avons déjà bouchés sur l'intérieur, mais il y a deux extrémités pour chaque trou...)

Nous laissons un peu durcir l'époxy des joints pendant le déjeuner, puis nous remettons le bateau à l'endroit et remontons les quatre membrures en reperçant les trous de leurs sutures, puis nous les collons en faisant de bons joints-congés autour de toutes les lignes de contact avec le bordage. Nous collons ensuite les listons, qui sont chacun faits de deux lattes de sapelli.

J5 : Nous rangeons ma collection de pinces et sortons le Wherry Tandem pour faire la finition des listons. Nous commençons par dégrossir à la scie en arc de cercle sur l'étrave...

Puis nous faisons l'arrondi de l'étrave à la ponceuse à bande, qui nous sert aussi pour araser la surface supérieure des listons.

Ce gros plan du liston tribord montre le joint-puzzle avant sur la tranche du contreplaqué et l'un des deux scarfs de la latte intérieure du liston.

Nous avons aussi légèrement arrondi les extrémités arrière des listons, de part et d'autre du tableau, et passé la défonceuse avec une fraise en quart de rond afin d'arrondir l'arête supérieure extérieure des listons. Nous avons terminé en passant un coup de papier de verre général sur les listons et sur tous les joints "neufs", autour des membrures et des anneaux de dessus des caissons étanches.

Nous terminons la phase de production de poussière du jour par un bon nettoyage...

Et nous rentrons dans la partie chauffable de l'atelier pour passer une couche d'époxy sur les listons et sur tout le bois mis à nu (ouh !) par le ponçage. Nous retournons ensuite le Wherry Tandem pour faire la stratification extérieure. Celle-ci s'étend sur la sole et les bordés 1 et 2.

Le manuel de construction prescrit de ne stratifier que les bordés 1 en plus de la sole, mais nous avons choisi "d'effacer" partiellement le relief du clin au bas du bordé 2 afin d'étendre la stratification sur une paire de bordés supplémentaire, comme à l'intérieur (à l'intérieur ce sont donc trois bordés au lieu de deux et ici deux au lieu d'un).

L'extension de la stratification pour passer l'arête du bas du bordé 2 nous a obligés à arrondir fortement cet angle, car le tissu ne "passe" pas autour d'une arête, ni même d'un virage trop brusque (il se décollera de la surface et fera des bulles). Cela ne pose pas de problème car cette arête est invisible sauf à l'étrave, où "l'effacement" passe très bien visuellement. Il ne serait pas possible de faire de même pour étendre la stratification aux bordés 3, car cela se verrait trop.

Comme à l'intérieur, nous passons une seconde couche d'époxy "mouillé sur mouillé", couche que nous étendons sur toute la surface extérieure, y compris le dessous des listons. Et ainsi se termine la construction du Wherry Tandem. Il ne restera plus à Hélène qu'à coller le petit aileron qui ajoute quelques centimètres carrés de surface directrice sur l'arrière.

J6 : Samedi matin, nous chargeons le Wherry Tandem de 6.05 m de long sur la 206 SW d'Hélène qui mesure 3.80 m, soit 2.25 m de moins. Du coup, nous trichons un peu avec la réglementation en la faisant dépasser un peu devant afin de réduire le porte-à-faux arrière. Nous serrons à fond les deux sangles et bridons l'avant avec des attaches "maison" prises sous les bords du capot et revenant sur la guirlande, et l'arrière en s'amarrant sur l'anneau de sécurité de l'attelage et sur les têtes de la membrure 5 (je vous disais bien que les trous dans les membrures sont utiles !) Auparavant, nous l'avons pesé afin de vérifier que nous sommes dans les clous : 38 kg sans aileron ni peinture. Ca tiendra dans les 41 kg de la publicité, en bonne et due forme, comme dirait Dustin Hoffman dans Hook !

Au moment de reprendre la route pour Vesoul, le sourire sur le visage d'Hélène témoigne de son plaisir d'avoir construit ce magnifique Wherry Tandem !